A cheval sur 3 pays, le nom du plus grand désert terrestre résonne comme un bout du monde peuplé de températures extrêmes et d'ossements blanchis au soleil. D'ailleurs, depuis la disparition des caravanes de la route de la soie, cet endroit isolé est plutôt associé aux aventures de quelques explorateurs et aux émissions du National Geographic !
Pourtant avec un peu de patience, on peut s'y rendre pour en explorer une partie, plus ou moins grande selon son agenda, et son endurance à la vie de Nomade! Mais pourquoi s'infliger des heures de route, des kilos de poussière dans les chaussettes et des jours sans douches pour aller dans un désert dont le nom rime avec hostilité ?
Tout simplement parce que ce lieu recelle des paysages à couper le souffle qui vous laisseront des visions indelebiles de votre voyage dans le grand sud Mongol.
Un désert, des déserts
De part sa vaste entendue, équivalente à la surface de l'Europe de l'ouest tout de même, le désert de Gobi revet des aspects extrêmement différents. Ainsi, plutôt qu'une surface désolée et plate à perte de vue comme on pourrait se l'imaginer, le désert de Gobi abrite plus de 30 variétés de désert. Ainsi, au fur et à mesure que l'on s'avance dans l'immensité, on observe des changements dans le paysage. Tantôt subtile, tantôt franchement flagrant, chacun réserve des surprises qui renouvelle chaque jour votre curiosité pour le lieu.
Itinéraire de 4 jours
>> Jour 1
Au creux des noires parois qui vous dominent, le froid nocturne y est si vif que le cours d'eau qui y serpente gèle, formant ainsi un sentier de glace surprenant et éphémère, puisqu'il dégèle aux premiers rayons du soleil! Après avoir franchi des canyons glissants, on débouche sur une succession de clairières peuplées par une intense vie animale. De belles vaches brunes flânent paisiblement et l'herbe fourmille de dizaines de rongeurs qui détalent au son de vos pas. D'ailleurs, ces derniers servent de garde manger aux seigneurs des lieux, les rapaces, qui ont d'ailleurs donné leur nom aux gorges. Du haut des pics ou cerclant dans l'azur, ils surveillent leurs proies avant de s'abattre sur elles dans un sec froissement d'ailes, et de repartir les serres pleines. Aussi furtive qu'une balle de fusil, la bécassine hante également les lieux, et doit certainement rester un trophée rare pour les aigles.
Une fois contemplé la varieté et la brutalité de la vie sauvage, on poursuit la route vers l'Ouest, pour sortir complètement de la chaine montagneuse et déboucher dans un paysage de roman de science fiction. Dans une atmosphère vide d'un quelconque nuage, sur un terrain vide d'un quelconque arbre ou arbuste, la vue se perd sur la plate poussière argentée. Seules de rases touffes d'herbes survivent là dans l'absurde. Pourtant, premier maillon d'une chaîne, elles déclenchent ces visions qu'on prend pour des mirages au premier coup d'oeil. Surgis là, perchés sur leurs longues pattes, des dizaines de chameaux flegmatiques broutent, leurs gros yeux globuleux remplies d'années de mélancolie.
Plus loin, un nuage de poussière trahit le trot d'un troupeau de chèvres en quête de touffes d'herbes moins sèches, celles qui auraient reçue les gouttes d'une pluie dans un pays sans nuage. Il y a donc une vie animale, et donc une vie pastorale. En effet, ce point blanc minuscule qu'on ne distingue presque pas dans les soubressauts du 4x4, c'est bien une ger de quelques mètres carrés de feutre blanc, dans laquelle vit une famille entière installée aux confins du monde.
Pendant plusieurs heures c'est ce même paysage que l'on traverse sans le voir défiler, qui vous écrase par son infini platitude. Pourtant, en fin de journée, elles surgissent devant vous comme la pointe d'une épée fichée dans la croute terrestre : les dunes! Quelle abération géologique, fantaisie divine, génie mysterieux, a-t-il pu créer un cordon jaune de dunes de sable fin long de 100km, large de 50, et haut de 300m, dans un endroit plat et gris ? La recherche d'une explication est rapidement balayée par la vue subjuguante de cette masse douce et abrupte, véritable vague aux courbes ondulantes sous le vent. Assis sur le péron de la ger, au pied de la dune, on se laisse envahir par l'ombre de la nuit tombante. Dans un paysage d'un dénuement extrême, quelques cailloux et des grains de sable laissent des images d'une puissance insoupçonnée !
>> Jour 2
Le deuxième jour peut exclusivement être dédié aux dunes tant leur découverte est difficile et fascinante à la fois.
Une première approche de la curiosité peut être faite matinalement par le moyen de transport ancestral et adapté au lieu : le chameau. Les vaisseaux du désert sont ici toujours élevés par les nomades. Haut perché entre leur deux bosses, balloté par leur démarche challoupée, vous voilà lancé sur les sables du Gobi. On peut ainsi longer pendant 2 longues heures ces falaises de sable, et ressentir la puissance du lieu. Cette masse colossale est à la fois inquiétante tant elle vous toise, mais ses formes féminines, rondes et généreuses, donne envie de s'en approcher, d'autant plus qu'un chant envoutant emmane de leur coeur, attirant irresistiblement la curiosité du voyageur! Un chant ? Effectivement, telle une sirène enrouée, les dunes emmettent un son rauque et profond par intermittence! Celui-ci est provoqué par le frottement des millions de grains de sable qui s'écoulent par l'action du vent. Fascinant!
Après une pause déjeuner bien méritée où votre séant vous remerciera de ne pas avoir fait plus de 2h de chameau, partez à l'ascension du plus haut sommet avec 3 bonnes heures devant vous, un coupe vent et de quoi boire! La montée de ces sables est en effet particulièrement pénible et réclame sa dose de sueur pour se laisser dompter. Non seulement c'est haut, mais la finesse du sable est telle que l'on recule d'un pas tous les 2 mètres! Détecter les zones humides situées à l'ombre, ou marcher dans les rares herbes vous apportera quelques appuis bien utiles! Quoi qu'il en soit, la récompense est largement à la hauteur des efforts fournis. Là haut, on embrasse le désert d'un regard tel un aigle, et on reste stupéfait devant cette vision à 360 degrés qui vous donne tant de paysages à regarder.
Des montagnes abruptes, une plaine désolée, une vallée verdoyante, des pitons rocheux isolés, un sahara miniature... C'est prodigieux ce que la nature est capable de créer, et seules les rafales de vent de 60km/h chargées de sable vous incitent à quitter les lieux en emportant des images gravées pour longtemps.
>> Jour 3
Le lendemain, direction le nord. Après avoir franchi quelques dizaines de kilomètres de cette poussière grise, les dunes disparaissent progressivement, et le 4x4 s'engage dans une étroite vallée qui serpente entre de petits massifs verdoyants. Certainement irrigué par des sources souterraines, l'endroit regorge de son et de couleurs. Le vert qui tapisse le sol, le chant de multiples oiseaux, les antilopes qui détalent au son du moteur, donnent une autre vision du désert, celle d'un oasis foisonnante de vie!
D'ailleurs il en est ainsi depuis des temps immémoriaux, puisque des gravures rupestres visibles un peu plus loin attestent en effet de la riche faune qui nourrissaient ici un peuple de chasseurs.
La route continue, plate, sans fin, sans début, sans direction. Seuls quelques sillons dans l'herbe indique que des roues sont passées ici. Si votre chauffeur a une petite faim, ou s'il a une vieille connaissance, vous vous arrêtez dans une Ger au milieu de nul part. Dedans, une vieille femme vous proposera du fromage et de la pate cuite pour vous restaurer, et de la vodka maison chaude... pour vous restaurer aussi.
Après le déjeuner, l'improbable se produit. Dabord sous la forme de poteaux dans le néant, on reconnait ensuite les signes de vie moderne. Une antenne de téléphone mobile, une route bien dessinée, c'est une ville! Poussiéreuse et plate, la localité abrite des commerces auxquels notre chauffeur se ravitaille en cigarettes. Les nomades arrivent ici en deux roues chinois, le cheval moderne, et se retrouvent le temps d'une discussion, d'une partie de carte, avant de repartir dans l'infinie...
En fin d'après midi, les couleurs du désert changent encore pour virer au rouge. On arrive aux fameuses Flaming cliffs, falaises ocre déchiquetées qui surgissent brutalement dans le sol plat. Tel un décor de Western, le lieu vous transporte dans un film. Arbuste en boule qui roule au vent, squelettes de cheval, soleil rougeoyant sur la terre couleur rouille... Le tout dans le sifflement imperturbable du vent. Un îlot de buisson épineux se dressent dans une petite dépression du sol, certainement le signe d'une nappe d'eau souterraine, et offre une balade dans un chaos d'épines. Même le végétal est hostile... Au coucher de soleil, le terrain offre toute les nuances de couleurs chaudes du désert, magnifié ici par le rouge des falaises. Un vrai tableau minéral.
>> Jour 4
On passe la matinée à découvrir les falaises qui donnent un décor encore unique à ce désert hors normes. D'en haut, la terre semble déchiquetée et laisse apparaître des sols de couleurs différentes. C'est en fait un voyage dans le temps que propose ces falaises, puisque les couches géologiques ici remontent aux temps des dinosaures, dont on a trouvé de nombreux fossiles ici. Nous descendons le long des falaises pour découvrir un sol sablonneux recouvert de pierres aux formes toutes plus énigmatiques les unes que les autres. Sur la terre des dinosaures on marche tantôt les yeux dans le sable en quête d'un hypothétique fossile, tantôt les yeux en l'air pour observer les rapaces qui nichent dans la falaise.
En début d'après midi, la route prend franchement le cap du retour. Mais avant Dalandzagad, vous traversez une immense plaine superbe, encore différente, où le vert du sol contraste superbement avec le bleu toujours aussi pur du ciel. Bien adapté au paturage, le lieu attire des éleveurs de chevaux. Notre guide s'arrête ainsi chez une connaissance qui va justement traire les juments. C'est l'occasion de donner un coup de main, et le voilà saisissant les poulains pour amorcer le lait aux pis de leur mère. La traite fini, le lait fini dans le sceau pour démarrer la fermentation, ce qui donnera une boisson à offrir aux visiteurs de passage. Comme toujours, nous sommes accueillis sans un mot d'anglais, mais avec fromage, biscuit et sourires, au sein de ces chaudes tentes au style millénaires.
Le retour sur la ville de départ se fait dans une platitude infinie, tel un océan de rocaille, où la vue de la ville donne une impression d'île isolée, où le bateau, un car en fait, vous ramenera à la civilisation d'Ulan Baator.
Conseils pratiques :
- Si vous dormez en Ger House donc une Yourte, que des nomades ont installé pour les invités, on vous la fera certainement visiter avant d'installer vos affaires, vérifiez immédiatement la présence d'un poêle et de combustible!
- Partagez la nourriture avec votre guide lors des pique-niques en pleine nature, même si ce n'était pas convenu. Au delà des bonnes manières occidentales, c'est un attendu moral ici.
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