mardi 20 octobre 2015

Voir le lac Baïkal

Le lac Baikal, la perle bleue de la Sibérie, selon la sensibilité de chacun, ce nom évoque à la fois une aventure russe, une nature grandiose, un grand voyage en train, un lieu spirituel...  Etape incontournable pour certains, but du voyage pour d'autres, son attractivité ne se dément pas et ne date pas d'hier.



En effet, depuis des temps immemoriaux, les animistes ont décelé ici un pôle d'énergie exceptionnel qui en fait un lieu chamanique puissant.
Il faut dire que cette profonde griffe dans l'écorce terrestre recele des caractéristiques uniques qui le rende à part. Ses dimensions d'abord sont hors normes, profond de 1 600 mètres, large de 60km, long de 180km, c'est une colossale masse liquide dont la clareté est exceptionnelle. Fort poissoneuse, ses eaux abritent également des phoques qui n'existent qu'ici, les Nerpa.
Le temps y change avec une vitesse déconcertante, et le miroir parfait que l'on contemple peut se transformer en mer houleuse quelques minutes plus tard. Son visage estival, composé de toutes les nuances de bleu que ce soit dans ses eaux ou dans le ciel, est transfiguré en hiver, lorsque le lac gèle dans sa quasi totalité. Cela forme alors au choix, une patinoire, une route, une plateforme de pêche... Dont la surface blanche est aussi superbe que ses mouvements sont dangeureux.
Un lieu aux facettes changeantes, aux centaines de kilomètres de rives variées, qui multiplient d'autant les intérêts de venir jusqu'en Sibérie!

Arriver au lac

Pour les voyageurs en provenance d'Europe, le point d'entrée du lac est presque exclusivement Irkoutsk. A la hauteur de la partie sud du lac, la ville est située à une centaine de kilomètre à l'ouest de ses rives. C'est une halte sur le transsibérien, elle dispose d'un aéroport, et permet de se loger pour tous les budgets. C'est une base de départ pratique où l'on embarque alors pour son transport local jusqu'au point désiré sur la rive Ouest, ou pour contourner le lac par le sud. Mais Irkoutsk n'est pas qu'une ville de transfert sans intérêt, elle pourra aussi divertir le voyageur curieux le temps d'une après midi. Avec son ensemble de grosses maisons en bois finement cisélée et décorée, sa rue pietonne et ses élégantes façades d'immeuble du XIXe, il est agréable de s'y balader.

Pour ceux qui arrivent par l'Est ou le Sud, la ville d'Ulan Ude sera le point de chute oriental du lac. Doté d'un aéroport et desservie par la ligne du transiberien, la ville est pratique pour explorer les rives Est ou pour faire une halte avant de contourner par le sud. Notons toutefois que la cité, au caractère asiatique radicalement différent d'Irkoutsk, dispose de moins d'atouts charme. La curiosité locale est sans conteste la tête de Lenine en bronze, monumentale et spectaculaire de gigantisme, méritant une visite de quelques minutes...


Un apercu du lac

Pour ceux dont l'agenda serré ne leur permet pas d'aller fouler les eaux du lac, il leur reste quand même une possibilité d'approcher les rives à quelques mètres pendant 2 heures : le train de jour!
En s'assurant d'avoir pris le départ du matin, on se garanti une vue spectaculaire depuis l'extremité sud du lac que le train longe longuement, parfois à moins de 10m des rochers sur lesquels les pêcheurs s'installent.

Découvrir le lac facilement

Avec une ou deux petites journées devant soi, ceux qui veulent tremper leurs orteils dans les froide eaux du lac peuvent se rendre sur ses rives par eux mêmes ou en excursion organisée.
Depuis Irkoutsk, train ou bus vous meneront en moins de 2h à Listvianka, station balnéaire en accès direct sur le lac. Bien desservie, bien dotée pour accueillir les touristes d'Irkoutsk ou d'ailleurs, tout y est disponible pour le tourisme lacustre, même de la plongée.

Depuis Ulan Ude, il est également possible de se rendre rapidement sur les rives du lac, mais dans un autre contexte. Le lac est plus loin, et la ville plus laborieuse qu'Irkoutsk se rend peu sur ses rives, de sorte que le lac y est plus sauvage de ce coté. Transports moins fréquents, faible offre d'hébergement, peu d'activité nautique à part quelques pêcheurs, c'est un autre visage du lac. Pour s'y rendre, un transport local, ou une excursion organisée par une auberge, vous amenera au village de Turka. Au programme belle plage de sable interminable, ou plage de gros galets gris plus rustique, fréquentée assiduement par des vaches et des chèvres.

Partir découvrir ses rives sauvages

Avec au moins 4 jours devant soi, et une envie de découvrir les aspects plus sauvages du lac, on peut envisager de s'aventurer en remontant les rives en direction du nord. Là-haut, plus de station balnéaire, plus de goudron, plus de béton... C'est le royaume des forêts interminables, des maisons en bois, des pistes en terres, des phoques...

Coté Ouest, la remontée des rives du lac en direction du nord fait presque immanquablement échouer le voyageur sur l'île d'Olkhon. Accessible depuis Irkoutsk après 6h de route et un ferry, cette grande langue de terre s'étire sur près de 100km de long parallement à la rive. D'un côté, de grandes étendues d'herbe rases qui finissent par quelques plages, de l'autre une dense forêt cache de hautes falaises émaillées de quelques criques. Une seule "piste" traverse l'île dans toute sa hauteur, reliant quelques hameaux et habitations isolées à la ville principale de Khoujir, installée au centre. C'est d'ailleurs ici que l'hébergement y est principalement concentré. Ici, le temps s'est arrêté avec les pêcheries qui ont fermées.

Les bateaux éparpillés rouillent dans et hors de l'eau, les chiens errants courrent après les voitures, qui zigzaguent elles mêmes pour éviter les vaches, qui rentrent au village à l'heure où le supermaché ferme... Et tous les commerces sont fermés alors...
Le principal intérêt de la ville ne réside donc pas dans ses rues poussiéreuses, mais dans sa proximité avec une grande et vaste plage de sable, dont l'extremité sud est formée par le fameux rocher du chaman.

Le gros roc en forme de double pyramide avance sa blancheur dans les eaux bleues du lac, avec d'inombrables étoffes de tissus multicolores attachées aux arbres qui virevoltent au vent. Même si celles ci sont bien souvent accrochés par les touristes de passage, cela rappelle la vocation chamanique originel du lieu. Il est vrai que cette surprenante formation reliée à la terre par une petite plage en croissant à quelque chose de singulier.

Bien sûr il y a autre chose à voir sur Olkhon que Khoujir et son rocher. Toutefois, il est particulièrement recommandé de partir découvrir l'île avec un véhicule motorisé. Non seulement les distances sont grandes, mais les pistes sont aussi accidentées que le relief de l'île. A pieds ou à vélo, on peut découvrir les environs directs de la ville, fait de forêt et d'une grande lande sauvage qui borde la petite mer, le petit côté du lac, mais on ne peut guère aller plus loin. Une fois équipé d'un quad ou inscrit à une excursion (voir le club Nikita), vous pouvez découvrir les rives sauvages du lac. A 50km plein nord, le cap Khoboï vous donne un panorama époustouflant à presque 360 degrés sur le lac. D'ici, il vous apparait dans toute son immensité, sans autre repère que l'eau et la brume qui voilent son horizon. On arrive enfin à mettre une vision sur les proportions de cet endroit. Et ce qui vient à l'esprit, c'est que le Lac Baïkal n'a rien à voir avec un lac...

D'ailleurs pour s'en convaincre définitivement, il suffit de se rendre dessus côté grande mer, afin de s'éloigner de la rive pour ressentir son gigantisme. Difficile d'accès, le versant oriental de l'île est noyé dans une inextricable forêt sans sentier. Le 4x4 se faufile péniblement dans d'étroites vallées jusqu'aux rares petites criques perdues entre les falaises. C'est loin, c'est long, c'est douloureux pour le postérieur, mais qu'est ce que c'est beau une fois arrivé. A quelques brasses de la rive, blotti dans votre bateau immobile, le silence se fait, les falaises s'embrument, et un seul regard dans l'eau suffit à vous donner le vertige.

La pureté de cette eau n'est pas un mythe, c'est l'une des plus cristallines à voir à cette échelle, encore plus que celle des lagons coralliens, puisque vous pouvez même la boire! C'est dire la pureté des éléments qui la composent ! Une fois la bourriche pleine de poissons, lorsque le soleil se rapproche de l'ouest et que votre barque retourne à sa petite plage de galets gris, ouvrez bien les yeux sur la surface lisse du lac. À quelques dizaines de mètres de vous, quelque chose a sorti sa petite tête noir charbon hors de l'eau et vous observe! Aussi curieux que craintifs, les phoques du Baïkal, les Nerpa, aiment à s'approcher des rives en fin de journée. En petits groupes, il apparaissent et plongea dès que l'on s'en approche bien sûr. Une bonne paire de jumelles vous permettra de voir leur moustache et leurs gros yeux tout noirs également !



Enfin, pour les amoureux d'aventures solitaires ou d'espaces sauvages, c'est définitivement du coté Est qu'il faudra aller.. Ici fini les minibus de touristes, c'est avec votre propre voiture ou avec les locaux qu'on peut y accéder. On doit traverser les forêts de pins interminables, franchir des cols, gravir les pistes de terres battues, pour arriver à Oust Bargouzine. Dans cette laborieuse ville de pêcheurs toujours en activité, pas de pancarte pour trouver un hôtel, demandez à la superette à côté de l'ancien traversier, le patron vous appellera la patronne d'une pension qui viendra vous chercher!
De cette idéale base de départ, on peut partir arpenter la péninsule montagneuse de Sviatoï noss, véritable montagne les pieds dans les eaux du lac. Là haut, harrassé par la montée, on est seul avec cette mer intérieure et le repos contemplatif est bien mérité. D'ailleurs rien ne trouble la quietude du lieu. L'activité humaine ici y est des plus réduite, et seul le minuscule sillage d'un petit bateau de pêche viendra troubler la toile de ce merveilleux tableau naturel.

Mais les superbes paysage de Bouriatie ne se résument pas qu'aux rives du lac. Depuis Oust Bargouzine, il serait dommage de ne pas pousser jusqu'au village de Bargouzine. A une heure de piste humide, cette petite ville de bois est la porte d'entrée de la fabuleuse vallée éponyme.

Cet endroit est en quelque sorte le pendant terrestre du lac Baïkal, la profondeur en moins. Encadrée par deux massifs parfaitement parallèles, cette vallée aux proportions cyclopéennes abrite un marais tapissé d'herbe haute ou gambadent chevaux et vaches en liberté. En prenant un peu de hauteur on s'imagine découvrir les limites de la vallée... Sans y parvenir. Elle s'étire à l'infini et continue bien au delà l'horizon, comme le lac.


Perché en surplomb du petit village de Souvo, quel sentiment d'humilité envahi le visiteur, face à un endroit où les limites sont inssaisissables à l'oeil, où les kilomètres se comptent en heure, où seul un véhicule passa pendant les 3h de notre halte. Ici où rien ne se passe, le temps est suspendu à la course du soleil. Il irradie un ciel infiniment pur, illumine les textures d'un paysage inviolé, comment ne pas se demander ce que les hommes ont pu trouver ici pour s'installer, si ce n'est la majestueuse beauté vierge du lieu.



Conseils pratiques :
- ne manquez pas les rives sud du lac en train, qui ne sont visibles que par le train du matin !

- à Olkhon, demandez l'excursion pêche chez Nikita pour naviguer sur la grande mer

- pour visiter la lointaine vallée de Bargouzine, réservez une excursion organisée par une auberge de jeunesse, ou louez une voiture via Baïkal Naran Tour par exemple

- pour loger à Oust Bargouzine, rdv à l'épicerie à gauche de l'ancien bac et demandez à dormir, on vous appellera Tatiana, la femme d'un patron pêcheur qui loue des chambres dans une dépendance propre et bon marché à 300m de là.


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